questions qui marquoient l’intérêt. « Ah ! disois-je en moi-même, que n’est-il toujours ainsi ? — Ah çà, dit-il, au bout d’une demi-heure de conversation toujours sur le même sujet, il faut, pour vous récompenser de m’apporter de si bonnes nouvelles, que je vous montre cette lettre qui vous a fait tant d’effroi ce matin, — Non, non, monsieur, lui dis-je, je ne veux plus de confidences de l’espèce… — Pardonnez-moi, reprit-il, vous la verrez pour vous apprendre à suspendre vos faux jugements ; mais à condition que vous n’aurez plus de ces curiosités. — Moi ! monsieur, je n’en ai aucune, je vous assure. Est-ce que je fais une question ? au contraire. — Non pas par vos paroles, mais bien par votre voix altérée. Tenez, vous dis-je, c’est une lettre de madame Darty qui vous prie à souper pour demain. Je suis engagé, moi ; mais il faut que vous y alliez, et j’irai sûrement vous y retrouver. Eh bien ! vous ne voulez pas lire ? »
En effet, j’avoue que d’abord je craignis que ce ne fût quelque imposture qui me blessât encore plus que la scène du matin. Je pris enfin la lettre en tremblant ; la date étoit :
À six heures du matin, en rentrant de chez le prince de Conti[1].
Mes yeux alors se remplirent de larmes ; je ne vis plus
- ↑ Un peu par reconnaissance pour la protection que plus tard le prince de Conti devait accorder au héros principal de ces Mémoires, à J.J. Rousseau, nous devons dire quelques mots de ce personnage qui un moment fut regardé comme le premier capitaine et le futur premier ministre de la France.
Louis-François de Bourbon, prince de Conti, né à Paris le 13 août 1717, marié le 22 janvier 1732, à Louise-Diane d’Orléans, veuf le 26 septembre 1736, grand prieur de France de l’ordre de Malte le 15 avril 1749, est mort au Temple le 2 juillet 1776. Jusqu’en 1727 il avait porté le titre de comte de la Marche. En 1742 et 1745 il fit campagne