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la d’Esclavelles, et dès le maillot il y faut penser. »

Je dois demain aller voir avec ma mère ce cher enfant ; mon mari, qui ne l’a point encore vu depuis qu’il est en nourrice, n’y peut pas venir : sûrement c’est quelque affaire importante qui l’en empêche, car il en avoit le désir. « Croyez-moi, m’a dit encore maman de Beaufort, évitez des conversations semblables à celles que vous avez eues avec votre mari ; tout cela est du bavardage, envie de se vanter et rien de plus. Une femme se manque à elle-même et perd la considération de son mari, en souffrant de sa part de tels propos, quand le repentir ne les dicte pas. Le repentir n’est point accompagné de cette légèreté ; et l’on ne doit pas faire son oreille ainsi au langage du vice. »


Le 10 novembre.

Comment calmer mon trouble ? Que deviendrai-je ? Il est près de minuit, et mon mari n’est pas rentré. Ce qui m’est arrivé avec lui avant de partir me revient continuellement. Ô la cruelle vie !

Ce matin, à sept heures, ma mère me fit dire qu’elle étoit prête à partir. En traversant l’antichambre, je voulus savoir si mon mari étoit éveillé ; on me dit que non. Il y avoit un petit décrotteur sur l’escalier qui avoit l’air d’attendre son réveil. Je pensai lui demander ce qu’il vouloit ; mais ces sortes de curiosités me répugnent à satisfaire ; ainsi je passai sans lui rien dire. Mais à peine fus-je arrivée chez ma mère, que je m’aperçus que j’avois oublié un petit présent que je destinois à la nourrice, et je remontai le chercher. Ayant vu la chambre de mon mari ouverte, j’y entrai pour l’embrasser avant de partir. De la porte je lui criai bonjour, et dans