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mais il s’empara du paquet. Il ouvrit d’abord une ou deux lettres qu’il ne fit que parcourir, et il me les donna sans me regarder, ayant les yeux fixes sur une adresse qu’il considéroit, ce me semble, avec complaisance. « Que voulez-vous que je fasse de ces lettres, lui dis-je en les prenant ? — Que vous les lisiez si vous voulez, me dit-il ; ou bien gardez-les-moi jusqu’à ce que j’aie lu toutes les autres, » Il décachetoit et commençoit à lire la principale, ou du moins celle que j’appelois ainsi dans mon idée. Après un moment de lecture : « Les verrai-je toutes ? » lui dis-je tout doucement. Il sourit, et comme il lisoit toujours, je me hasardai à ramasser l’enveloppe pour voir… quoi ? Je n’en sais rien. Je vis seulement qu’elle étoit timbrée de ***. L’écriture me parut fort grande et sans orthographe. « Il faut en savoir bien peu pour n’en pas mettre dans une adresse, » dis-je tout haut. Mon mari rougit. Pourquoi rougissoit-il ? car au contraire il rit et se moque de moi lorsque je fais des fautes de ce genre. Sa lecture finit enfin, et il ne me donna point sa lettre. Il ouvrit les autres, les parcourut en silence, et puis se baissant, en appuyant ses deux genoux : « Qu’est-ce que vous dites ? me demanda-t-il en se retournant vers moi et bâillant, — Que je n’ai plus que faire ici, et que j’aurois dû m’en aller lorsqu’on vous a remis vos lettres. » Je me levai pour sortir ; il me tira par ma robe, et m’asseyant encore sur ses genoux : « Ah ! répliqua-t-il, voici de l’humeur ; » et d’un ton d’applaudissement : « Bon ! continua-t-il, je n’en avois pas encore vu depuis mon retour. Et pourquoi, je vous prie, auriez-vous dû être déjà partie, et n’avez-vous plus que faire ici ? — Parce que… à cause de… » Je ne savois trop que répondre. Je sentis bien que j’avois de l’hu-