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que vous lui prodiguiez les expressions d’un sentiment qui se réveille ou s’endort à volonté, suivant que vous êtes plus ou moins occupée des choses qui y sont étrangères. Je vous sais gré de ce que vous me marquez d’obligeant et de tendre, et je vous fais réparation sur ce que j’avois osé vous confondre avec le commun des femmes. Je croyois qu’elles et nous, étions tous faits à peu près sur le même modèle ; et comme nous nous occupons beaucoup d’elles, je pensois qu’elles nous rendoient la pareille ; mais je me suis trompé : à la bonne heure, vous m’apprendrez à les connoître, et ce sera à vous à me faire voir que j’ai eu tort sur ce qui peut vous regarder en particulier.

Continuez à me parler de vos amusemens et de vos occupations. Vous avez des choses d’une simplicité bien comique, si toutefois vous ne les dites pas exprès ; car je n’en voudrois pas jurer. J’attends aussi que vous me fassiez part des préparatifs de votre accouchement. N’est-ce pas là votre principale occupation ? Il ne faut pas attendre au dernier moment à revenir à Paris. J’espère qu’il y aura encore des vides dans votre vie qui vous laisseront le temps de m’écrire. Pour moi, la mienne est si occupée que je ne puis vous en rendre compte. J’en guis étonné moi-même, et dans le vrai il ne me reste que le temps de vous embrasser, et de vous dire, ma chère amie, que je suis entièrement à vous.


LETTRE DE M. DE BELLEGARDE À M. D’ÉPINAY.
27 septembre 1746

Vous ne vous attendez pas, mon cher fils, à la bonne nouvelle que j’ai à vous apprendre. Votre femme est ac-