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forces, les inquiétudes pour sa santé ; enfin tout étoit le sujet d’une objection. Cependant je parvins à lui faire si bien sentir l’importance dont il étoit pour ma pupille de la laisser s’amuser de cette idée, qu’elle donna la même réponse que M. de Bellegarde. Madame d’Épinay écrivit à son mari pour le pressentir doucement sur cette résolution : et nous revînmes à Paris. Elle n’avoit laissé ignorer à son mari aucun de ses chagrins ; cependant elle en reçut une lettre qui ne l’encouragea pas, par la manière ironique dont il répondit à ses craintes ; et on va voir ce qui se passa alors. Ma véracité fera taire ici mon amour-propre, et si quelques critiques sévères condamnent le rôle que j’ai joué à cette époque de la vie de madame d’Épinay, je les prie au moins de me tenir compte de ma bonne foi, et de se rappeler sans cesse que ce n’est pas un roman que je donne au public, mais les Mémoires très-véritables d’une famille et de plusieurs sociéfés composées d’hommes et de femmes soumis aux foiblesses de l’humanité.


LETTRE DE MADAME D’ÉPINAY À M. DE LISIEUX.
À sept heures du soir.

Ah ! mon cher tuteur, que ferai-je sans vous ? je me meurs ! Faut-il vous avouer la conduite ? Le méritois-je ! J’avois bien raison de craindre Pardon, je ne sais ce que je dis ; un moment, un moment de repos. Je vais tâcher de me faire à l’idée de mon malheur. Il me semble que si vous étiez ici, je vous dirois… Vous le devineriez, mais écrire ! écrire en détail des choses !…