Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours si follement, que ses représentations ne faisoient aucun effet. M. de Bellegarde et madame d’Esclavelles, qui ignoroient la cause de cette tristesse, l’attribuoient uniquement à l’absence de M. d’Épinay, et en l’exhortant à la patience, la louoient beaucoup de la retraite où elle vivoit, et l’assuroient que c’étoit le seul moyen de retenir son mari auprès d’elle à son retour, et de le tirer de la trop grande dissipation où il se laissoit entraîner. D’un autre côté, au milieu de toutes les folies de sa cousine, il se trouvoit aussi des réflexions qui n’en étoient pas moins sensées pour être dites gaiement. Voici une lettre qu’elle lui écrivit dans ce temps, et qui ébranla un peu ma pupille dans ses résolutions.


LETTRE DE MADAME DE MAUPEOU À MADAME D’ÉPINAY.

Enfin, voilà huit jours que je garde la chambre, ma chère et très-lamentable cousine, sans avoir pu parvenir à vous faire accepter aucune des propositions que je vous ai faites de me venir voir. J’aime à la folie, entre autres, votre excuse d’hier, pour ne pas venir au concert que j’ai donné. « Il y avoit trop de monde. » Quelle platitude ! Quoi ! parce que votre mari est absent, il faut vivre dans la retraite ; vous qui aviez l’air, il y a un mois, d’être attachée à l’aile d’un moulin à vent, vous voilà tout d’un coup livrée à la solitude la plus déplorable : et cela, pourquoi ? pour un mari qui court les champs, et qui doit être absent quelques mois. Prenez-y garde je vous assure que vous allez vous couvrir de ridicule.

Il est assurément bien d’aimer son mari : cela est même très-admirable, mais il y des bornes à tout. Je crois bien que vos chers parents sont fort aises de ce