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démarche que son cœur et son caractère auroient démentie mille fois pour une ?

Près d’aller s’établir à Épinay avec ses parents, elle résolut d’y être fort sédentaire pour éviter de jouer et de faire les dépenses inévitables à la ville. Elle projeta différentes occupations ; elle étoit peu instruite, elle me pria de la guider dans le plan d’études qu’elle s’étoit fait. De l’ouvrage, des livres et le dessin devoient remplir les moments qu’elle ne donneroit pas à sa correspondance avec son mari. Ses parents, à qui elle communiqua ce projet, sans leur en dire le véritable motif, en furent d’autant plus enchantés, qu’ils se trouvoient seuls avec mademoiselle de Bellegarde, M. de Bellegarde ayant en-[1], M. de Bellegarde ayant en-

  1. Mademoiselle Élisabeth-Sophie-Françoise de Bellegarde était sortie du couvent depuis un peu plus d’une année. La douceur de son caractère, sa gaieté enfantine, son esprit de saillie, n’avaient rien d’égal. Ce qu’il y a peut être de plus intéressant dans la partie des Mémoires de madame d’Épinay qu’il était inutile d’imprimer, ce sont les petites anecdotes de famille qui la concernent et les traits épars d’une physionomie qui, dès la plus tendre enfance, fut si digne d’être aimée.

    Mademoiselle de Bellegarde (madame d’Houdetot) est née le 18 décembre 1730, rue Saint-Honoré, du côté et un peu au delà de la place Vendôme.


    Elle est inscrite sur les registres de Saint-Roch sous les noms d’Élisabelh-Sophie-Françoise. Son parrain était messire Nicolas-François Fillion de Villemur, écuyer, greffier en chef du parlement de Toulouse, demeurant place royale de Louis-le-Grand, et sa marraine dame Jeanne Talon, veuve de François de Montpellier, l’un des fermiers du roi, demeurant rue Neuve-des-Petits-Champs. Les Fillion de Villemur ont été longtemps dans les recettes et dans les fermes.


    Madame de Bellegarde étant morte vers 1749, madame d’Houtetot n’a guère vécu qu’une dizaine d’années sous sa main. Elle ne ressemblait guère à sa mère, ni guère davantage à sa tante, madame d’Esclavelles, qui lui tint lieu de mère, de dix à dix-huit ans, pendant toute une première jeunesse qui dut être si enjouée. L’anecdote suivante n’a pas sans doute été imaginée :


    « Madame d’Esclavelles avait une dévotion minutieuse : remarquant que sa nièce faisait des vers facilement, elle voulut l’en empêcher. Voyant