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pinay répondit à ses craintes et à ce qui concernoit ses affaires. On jugera en même temps de l’excès de l’aveuglement où la tenoit sa passion : cette lettre-ci est une des mieux écrites et des plus tendres qu’elle ait eues de lui.


LETTRE DE MONSIEUR D’ÉPINAY À MADAME D’EPINAY.

Je reçois deux de vos lettres, ma chère amie, presque dans le même moment. Que de nouvelles raisons de vous aimer davantage, si je n’y étois déjà porté par le sentiment le plus tendre ! Le souvenir de Paris et de tout ce qui m’y attache doit vous assurer du regret que j’ai de vous avoir quittée, ou du moins de n’avoir pu être accompagné de vous. Jugez du désir que j’aurois de vous rejoindre ; mais je sens qu’il faut aussi donner un certain temps à ce voyage et à mes affaires, et vous devez m’en savoir gré. Si je trouve ici quelque ressource, c’est comme un pis aller, et vous ne devez pas craindre que rien vous efface de mon cœur.

Je ne puis vous rien mander d’intéressant. Je n’ai donc rien de mieux à faire que de répondre aux articles de votre lettre. Cette calèche, dont vous me parlez avec tant de détails, peut vous paroître brillante, parce que vous n’avez rien vu de mieux, ou parce que vous avez été prévenue par ceux qui vous en ont parlé ; mais dans le fond il n’y a rien de trop. Dans quelque temps elle vous plaira, et ce n’est que par une sorte de complaisance, je le sens bien, que vous voulez entrer dans des raisons d’économie, qui, au fond, ne doivent point nous arrêter. Je la garderai, ainsi que les harnois et les deux chevaux