Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/37

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il me disoit cela. Les premiers compliments faits, je sortis et me retirai dans mon appartement, humiliée, affligée, et par mon mari ! J’entendis à six heures que, malgré la défense de sortir que lui avoit faite le médecin, il donna ordre de mettre ses chevaux ; je crus qu’il alloit venir chez moi ; point. Il retint ces messieurs qui vouloient s’en aller ; alors je désespérai de le voir ou du moins de lui parler. Je ne savois même si je ne devois pas lui fermer ma porte, au cas qu’il se présentât avec eux. Ah ! mon tuteur, lorsque j’entendis sortir ce carrosse, je pensai me trouver mal ; je ne me connoissois plus. À huit heures je fis un effort pour descendre chez mon beau-père ; je ne doutois pas que mon mari ne rentrât bientôt ; j’aurois voulu l’attendre dans mon appartement, mais je craignois, si je l’y attendois, de n’être plus en état de descendre. Notre explication ne pouvoit être que fort longue et peut-être trop vive ; car je n’osois me flatter qu’elle fût touchante. J’étois en vérité piquée ; oui, je l’avoue. D’un autre côté, le ton que je devois prendre avec lui m’embarrassoit. Mon mari m’avoit appelée enfant. J’étois bien sûre d’avoir raison au fond ; mais je craignois de m’y être mal prise… Si ma mère va me juger comme lui, disois-je encore, voilà qui est fait, je passerai pour avoir tort sans pouvoir me faire seulement écouter. Cependant je suis offensée. Je ne pourrai jamais me conduire de manière à ne pas me faire remarquer. N’importe, je descendis ; mon beau-frère de Jully s’aperçut que j’avois pleuré ; il voulut d’abord me badi-

    refusait de marier ensemble M. d’Épinay et mademoiselle d’Esclavelles, et qu’il était même question pour celle-ci d’un autre mariage, il avait joué un rôle, peut-être trop habile pour son âge, afin de servir les intérêts de son ami.