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savez-vous que j’ai dit ce matin devant ma mère, je veux ; cela ne m’a pas trop réussi : je crois que c’est qu’elle a vu que je tremblois bien fort en le disant. Mais je vous conterai tout cela.


LETTRE DE LA MÊME AU MÊME.

Mon tuteur ! mon cher tuteur ! oh Dieu ! mon mari est fâché contre moi. J’ai beau y réfléchir, je n’ai pas tort ; au moins je ne le crois pas. Ma mère, qui est toujours contre mon mari, est pour lui dans cette occasion-ci. Oh ! cela me passe, j’ai bien envie de vous rendre compte de ce qui s’est fait : mais vous devez être notre juge : ne seroit-ce pas chercher à vous prévenir en ma faveur ? Non, non, mon cher tuteur, car je ne vous demande que de nous raccommoder ; je consens que vous me trouviez tort si je l’ai, mais seulement un peu, car si vous me condamniez ouvertement, une autre fois mon mari ne m’écouteroit peut-être pas du tout. Vous savez que depuis une quinzaine de jours il soupe très-souvent en ville, mais ce que vous ne savez pas, c’est qu’il rentre si tard, qu’il n’ose passer le reste de la nuit dans mon appartement ; alors il se retire dans sa petite chambre. Comme elle est adossée à la mienne, et que je ne saurois prendre de sommeil que je ne l’aie entendu rentrer, je ne puis me tromper là-dessus. Jusqu’à présent je n’avais osé lui en faire des reproches sérieux, quelque chgrin que j’en ressentisse.

Dimanche, entendant du bruit dans sa chambre, je crus qu’il étoit incommodé ; il ne m’en fallut pas davantage pour y entrer. Je le trouvai en effet souffrant d’une