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de mon silence ? En conclurez-vous, mon cher tuteur, que je suis ingrate ? Jamais vous ne pourriez être aussi injuste. Croyez que je sens, comme je le dois, les soins que vous avez bien voulu prendre de mes intérêts, depuis la mort de mon père. J’ai voulu vous en remercier hier, mais mon cœur étoit si plein que je n’ai pu proférer un seul mot. Je n’ai pu tenir à l’espèce d’adieu que vous nous avez fait en remettant mes papiers à mon beau-père ; les choses honnêtes et douces, dont vous avez accompagné ce dernier acte de votre tutelle, m’ont fait venir des larmes aux yeux ; j’espère qu’elles ne vous auront pas échappé. Je me suis retirée un moment pour être en état de vous témoigner toute ma sensibilité et ma reconnoissance ; et lorsque je suis rentrée, vous étiez parti. J’ai été tout le reste de la soirée mal à mon aise ; si j’avois été assurée que vous ne vous fussiez pas mépris à mon silence, j’aurois été plus tranquille. Soyez toujours, mon cher tuteur, le conseil et l’ami de votre pupille, et ne lui refusez jamais vos avis sur aucune matière. Rassurez-la promptement et dites-lui que votre amitié égale sa reconnoissance, c’est n’y mettre pas de bornes et la dire éternelle. »


LETTRE DE MADAME D’ÉPINAY À MADAME LA PRÉSIDENTE DE MAUPEOU[1]

Que j’en veux à madame votre mère[2], ma chère cousine, de ne vous avoir pas mariée à celui qui vous adoroit ! Quelles délices, quelle félicité que celle d’être

  1. Madame de Maupeou (Anne-Marguerite-Thérèse de Roncherolles), née en 1725, était mariée depuis le 21 janvier 1744, comme on l’a vu précédemment.
  2. Madame de Beaufort-Canillac.