Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE III.

intimement persuadée. Il n’y a, ce me semble, que les gens flottants dans leurs principes qui les mettent à tout propos en avant, ou qui se vantent de n’y pas manquer. Voilà pourquoi je me défie toujours des grands preneurs du mot de sagesse et vertu.

Je ne veux pas non plus que ce soit un malheur pour vous de remplir les devoirs de votre charge, ni de vaquer aux soins de votre fortune#1. Je n’exige pas de si grands sacrifices, et je ne mériterois pas votre tendresse, si j’en acceptois de ce genre, ou si je murmurois d’une nécessité à laquelle tout homme honnête est sujet. Chacun a ses devoirs et ses affaires ; j’en ai aussi : ils ne me peinent point à remplir. Cependant l’absence dont nous sommes menacés me sera dure à supporter, je ne puis vous le dissimuler ; il faudra bien chercher quelques dé-[1]

  1. Les receveurs généraux centralisaient la recette des divers impôts qui n’étaient pas affermés aux fermiers généraux ou mis en régie.

    « C’était au mois d’octobre que chaque année le conseil arrêtait le brevet de l’impôt des pays d’élections et des pays conquis. Les receveurs généraux, au nombre de quarante-huit pour le royaume et de deux pour Paris, tous en charges alternatives, et vénales, qu’ils avaient payées 36,400,000 livres de finances, dont on leur servait l’intérêt à 5 p. 100. écrivaient alors leurs soumissions pour le payement de la part de leur généralité en 18, 21 et 24 mois. Le premier payement de la taille et de la capitation devait être effectué le 10 février, et le premier payement des vingtièmes, le 10 avril. Ces rescriplions, un an à l’avance, étaient remises au caissier de la caisse commune des receveurs généraux. Le trésor les faisait endosser par ce caissier, et les négociait à perte, de 4 1/2 à 8 p. 100, suivant la valeur du crédit de l’État. Elles étaient payables à Paris, et un délai de deux mois était accordé sur la date d’échéance.

    « Les receveurs particuliers, pour leur part, signaient des traités avec les receveurs généraux et s’engageaient à leur remettre, de mois en mois, et toujours un mois à l’avance, les fonds qu’il leur appartenait de recueillir. Ils avaient trois deniers pour livre sur ceux de la taille et de la capitation, deux deniers sur les vingtièmes, et de plus une taxe d’exercice et des gratifications d’exactitude. »

    (Paul Boiteau. État de la France en 1789, p. 385.)