Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE III.

zèle à ses leçons ; vous avez entendu la semaine dernière le morceau que j’ai composé : vous pouvez juger de mes dispositions.

« La veille du départ de mon mari, il vint passer l’après-dînée à la maison, comme à son ordinaire. Je lui dis, je ne sais à propos de quoi, que je n’aimois rien tant que d’entendre des cors de chasse le soir pendant le repas ; il ne releva point ce propos. Il sortit à huit heures, et en s’en allant, il rencontra M. d’Épinay, à qui il demanda à souper pour prendre, disoit-il, congé de lui. Comme il ne m’avoit pas paru désirer de rester, je trouvai cela singulier. Il revint, en effet, à neuf heures ; et comme nous étions à table dans l’appartement de M. de Bellegarde, nous entendîmes tout à coup dans la pièce voisine les cors de chasse qui nous donnèrent pendant tout le repas la musique du monde la plus délicieuse. Dès que je les entendis, je regardai M. de Francueil qui sourit en disant que c’étoit sans doute une fête que je donnois à M. d’Épinay pour son départ. J’assurai que je n’avois nulle part à cette galanterie ; mais je me tus sur le propos que j’avois tenu l’après-dînée, et je remarquai très-bien que M. de Francueil m’en sut gré. Après le souper, comme il faisoit le plus beau temps du monde, M. d’Épinay proposa de faire le tour de la place[1] ; nous l’acceptâmes. M. de Francueil nous donna le bras ; il me serra la main plusieurs fois ; mais toujours dans des occasions où je pouvois m’y méprendre, et comme pour me garantir d’un faux pas ou de quelque danger.

« De retour au logis, mon mari, qui étoit en belle humeur, et qui devoit partir à six heures du matin, pro-

  1. La place Vendôme.