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Le 20 novembre.

Nous attendons anjourd’hui M. de Jully ; madame Darty doit aussi venir passer l’après-dînée avec moi.

Je ne connois point de femmes plus gaies, plus aimables, ni qui aient un tour d’esprit plus amusant ; il me semble qu’elle a autant d’amitié pour moi que j’en ai pour elle. Madame la marquise de Vignolles ne l’aime point ; elle la trouve trop étourdie. Je sais pourtant des traits d’elle qui prouvent que ce que l’on croit étourderie n’est souvent que vivacité ; au moins n’est-elle pas sans mérite : elle est même capable de prendre des partis courageux.

Cela n’empêche pas que mes parents ne voient avec peine mes grandes liaisons avec elle ; sans doute parce qu’ils ne la connoissent pas. S’ils savoient l’intérêt qu’elle prend à ce qui me regarde, avec quelle tendresse, avec quelle sensibilité elle me le marque, ils n’en parleroient pas comme ils font. Elle me paroît d’un commerce si sûr, que je lui ai confié aussi tous mes chagrins passés, avec d’autant moins de scrupule que j’ai une lueur d’espérance de n’en plus avoir de semblables. Elle m’a dit des choses qui me font regretter de ne m’être pas liée avec elle plus tôt : je me serois livrée à ses conseils sur une matière où elle paroît avoir plus d’expérience que moi : et vraisemblablement mes chagrins n’auroient pas duré si longtemps.


Le 22 novembre.

Francœur est venu me rapporter ma tabatière ; il a voulu badiner sur les propos que je lui avois tenus au bal. J’ai rompu la conversation. Nous avons chanté quel-