Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/100

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dame ; c’est répondre comme le mérite la bêtise que j’ai de vouloir rassurer une tête folle qui se tourmente le jour des rêves de la nuit. — Vous avez vu par mon attendrissement combien il m’en coûtoit de vous croire coupable ; mais il est indigne à vous d’abuser de ma crédulité. — Eh ! que venez-vous me chanter ici ? Comment, ce sera tous les jours des scènes nouvelles ! Je vous ai dit et je vous ai prouvé que cette lettre étoit de madame Darty. — Et moi je vous prouve, monsieur, qu’elle n’étoit pas d’elle ; car elle m’a dit très-précisément que son laquais ne m’avoit pas trouvée, et que j’étois déjà partie. — Ah ! cela est excellent, ce domestique ne peut pas s’être trompé. Puisque nous vous croyions partie, il peut bien l’avoir cru. — Non, car si c’eût été lui qui étoit dans votre antichambre, il m’auroit vu remonter ; et puis le commissionnaire qui attendoit votre réponse étoit un décrotteur, et celui de madame Darty étoit son laquais. — Son laquais ! Oh ! pour cela, il en a menti, ou il a donné sa commission à faire à un décrotteur, puisque je l’ai vu en sortant, et qu’il m’a remis la lettre à moi-même. — Mais s’il vous a remis la lettre lorsque vous êtes sorti, ce n’est donc pas celle que vous lisiez dans votre lit. — Eh quoi ! de pareilles fadaises occupent une place immense dans la tête des femmes, et n’entrent pas seulement dans la nôtre. Puisqu’il en est ainsi, je ne vous dirai, pardieu ! plus un mot de rien de tout ce que je ferai ; arrangez-vous là-dessus, madame ; adieu. » Et il sortit. Ah ! mon tuteur, que faire, et que deviendrai je ? Direz-vous encore que c’est la vanité ?