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l’instruction ; j’étais jeune, et j’avoue qu’aux récréations je m’amusais parfaitement avec les grandes : nous fabriquions séance tenante des drames, qu’on jouait aux petites (avec les décors au tableau pour l’intelligence de la pièce). Jeune je suis restée, à travers tout et, jusqu’à la mort de ma mère, peut-être, j’eus le cœur jeune ; depuis ce jour-là il n’y reste pas une goutte de sang.

Maintenant je suis désintéressée de la vie, tout est fini, et je serai dans le combat suprême (celui où nous donnerons tous) froide comme la mort.

C’est par groupes que je revois les élèves du Château-d’Eau : le groupe des grandes, deux ou trois de haute taille, Léonie C…, Aline M…, Léopoldine ; — celui des blondes, deux au large front, aux yeux d’un bleu d’acier, Héloïse et Gabrielle ; — un groupe aux yeux noirs, Alphonsine G…, et les deux sœurs L… ; — un groupe de pâles, Joséphine L…, la petite Noël, Marie C… Et des petites si brunes qu’elles en étaient noires : Élisa B… qui toute petite avait les traits accentués des races du Midi, Julie L… dont la voix était énorme en attendant qu’elle fût belle, Élisa R… qui jouait son morceau des prix, n’ayant pas encore les quatre ans qu’avait Mozart. Et tant d’autres et toutes, que sont-elles devenues ? Là, comme