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qu’une pèlerine, et portant une canne d’une hauteur énorme, semblait ne pas peser sur terre ; il était aussi grand d’intelligence qu’étranges de manières.

Le grand, enveloppé d’un ample manteau noir (avec lequel, disions-nous, mon cousin et moi, il avait l’air d’un scarabée), venait sur un lourd cheval passer chez nous le mardi de chaque semaine. Les deux Laumont étaient parents, le petit passait les hivers avec nous ; il avait autrefois donné des leçons à ma tante Agathe et à ma mère ; je crois qu’il avait appris à lire à tout le pays.

Le grand avait quelquefois sa flûte dans sa poche, il en jouait parfaitement.

C’étaient les bons jours ; ma grand’mère ou moi étions au piano, mon grand-père prenait sa basse et on faisait de la musique, tant qu’on n’en avait point assez.

Cet enthousiasme ne m’empêchait pas de trouver du temps pour donner à la fameuse jument de l’avoine plein mon tablier, ce qui changeait singulièrement son allure.

Alors le docteur s’en allant, rapide dans la brune du soir, avec son ample manteau flottant autour de lui, avait l’air du noir cavalier des légendes.

— Petit monstre ! me dit-il un jour, après avoir