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a voulu ; elle a dit des choses si horribles que mon ami ne veut pas les répéter. Si j’avais une fille comme ça je la ferais mettre en maison de correction. Une petite drôlesse qui n’aura pas un sou vaillant ! Eh bien, où allez-vous ?
— Je prends le chemin de Vroncourt, c’est moi qui suis le vieux bonhomme !

Et dire qu’il y a de pauvres enfants qu’on eût forcé d’épouser un de ces vieux crocodiles ! — Si on eût fait ainsi pour moi, je sentais que, lui ou moi, il aurait fallu passer par la fenêtre.

Je ne sais si j’avais raconté cela à Victorine. Toute ma vie me revenait au cœur, mais je lui parlais surtout de mes élèves du pays : Rose et Claire, devenues institutrices ; la grande Estelle, pareille aux fraîches bergères de Florian ; la pauvre petite Aricie — maigre, boiteuse, étiolée, qui absorbait en quelques jours un livre d’étude et toutes les choses passées de la veille ou de longtemps : celles qui faisaient rire et celles qui faisaient pleurer.

De celles qui faisaient rire, voici quelques-uns. J’ai parlé des deux Laumont : M. Laumont le petit, instituteur à Ozières ; M. Laumont le grand, médecin à Bourmont.

Tous deux venaient souvent à la maison. Le petit toujours vêtu d’un carrik gris aussi court