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Je m’en servis pour faire le même dessin au dos d’un voyageur qui essayait l’éloge de Bonaparte, et que je fis trembler en disant : — Il faudra bien que la République vienne, nous sommes nombreux et hardis.

À chaque relais montaient ou descendaient des personnages nouveaux, les uns vêtus de la blouse de toile bleue, le bâton suspendu au poignet par une petite courroie de cuir, la tabatière de cerisier dans la poche ; les autres couverts de vêtements de drap, si rarement portés que les plis y étaient tracés comme par une presse.

La route est longue de Chaumont à Audeloncourt ; elle tourne en spirale autour du mont Chauve, descend les pentes par les inclinaisons les plus douces et s’élance enfin, dénouant ses replis à travers des villages encore couverts de chaume, jusqu’aux bois de la Sueur, où, sous les branches basses des pommiers tordus, sont les toits effondrés d’une petite auberge où, jadis, on égorgeait les voyageurs, disent les vieux du pays ; ceux qui entraient là, il y a un peu plus d’un siècle, en sortaient rarement.

Ai-je tort de rester si longtemps sur ces époques ? Je croyais le faire rapidement et je me laisse aller aux souvenirs ; quelques pages encore, peut-être, seront consacrées à la Haute-Marne.