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De ma classe d’Audeloncourt, on entendait sans cesse le bruit de l’eau ; pendant l’été, le ruisseau descendait en murmurant ; pendant l’hiver, il avait des fureurs de torrent.

Qui donc l’écoute maintenant, dans cette maison obscure où j’étais environnée d’élèves attentives comme on l’est dans les villages, où nulle distraction ne vient du dehors ? Je pourrais les appeler encore toutes par leur nom, depuis la petite Rose jusqu’à la grande, qui est institutrice, aujourd’hui. Eudoxie mourut dans mes bras, une année d’épidémie.

Et Zélie, la sœur du messager de Clefmont ! Je l’aimais doublement, parce qu’elle portait le nom d’une amie de Vroncourt, longtemps pleurée, et à cause de sa vive imagination.

Le messager et sa sœur étaient orphelins. Il était l’aîné de la famille et, tout jeune, remplissait la place des parents morts : il avait voulu que sa sœur fréquentât mon école ; dans mes voyages d’Audeloncourt à Chaumont nous causions d’une foule de choses en gens qui lisent beaucoup.

Jamais conversation plus sérieuse que celle du jour où je revenais, ayant encore en poche la craie rouge qui m’avait servi à marquer les portes des vilaines gens, avec mon amie Clara.