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Ce feuilleton, une histoire de martyrs, commençait ainsi :


Domitien régnait ; il avait banni de Rome les philosophes et les savants, augmenté la solde des prétoriens, rétabli les jeux Capitolins et l’on adorait le clément empereur en attendant qu’on le poignardât. Pour les uns l’apothéose est avant ; pour les autres elle est après, voilà tout.

Nous sommes à Rome en l’an 93 de Jésus-Christ.


Je fus mandée chez le préfet qui me dit : Vous avez insulté Sa Majesté l’Empereur en le comparant à Domitien et si vous n’étiez pas si jeune, on serait en droit de vous envoyer à Cayenne.

Je répondis que ceux qui reconnaissaient M. Bonaparte au portrait de Domitien l’insultaient tout autant, mais qu’en effet c’était lui que j’avais en vue.

Ajoutant que, quant à Cayenne, il m’eût été agréable d’y établir une maison d’éducation, et ne pouvant faire moi-même les frais du voyage, que ce serait au contraire me faire grand plaisir.

La chose en resta là !

Quelque temps après, un bonhomme qui voulait demander je ne sais quelle faveur à la préfecture vint me trouver, disant : Y peraîtrot que vévé été chez le préfet, vos ellez m’y requemender.

J’eus beau lui objecter que c’était pour me juger, et me menacer de Cayenne que j’avais