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rieuse, car les uns y virent le triangle égalitaire (un peu allongé), les autres un instrument de supplice (inconnu) et ceux qui n’étaient pas intéressés dans l’affaire, une grande oreille d’âne. Ceux-là avaient raison.

Je revois Chaumont tel qu’il était alors : le Boulingrin ; la vieille rue de Choignes, de sinistre mémoire, où demeure le bourreau ; le viaduc tenant tout le val des Écoliers ; la librairie Sucot, contenant tout ce qui pouvait me tenter, et où, institutrice comme élève, j’avais toujours des dettes. La grosse tête frisée de M. Sucot regardait aux vitres, au milieu de la papeterie de luxe, des livres nouveaux, de la musique venant de Paris.

Cela me rappelait mes éblouissements d’enfant devant la librairie Guerre, à Bourmont. Je n’ai point encore perdu cette impression devant certains étalages de livres.

Les affaires, qui après chaque dénonciation étaient censées me retenir deux jours à Chaumont, se terminaient en arrivant.

J’allais chez le recteur de l’académie, M. Fayet, et là, assise comme chez mes grands-parents dans la cendre de l’âtre, je m’expliquais au sujet des dénonciations envoyées à mon égard, disant que tout était vrai, que je désirais aller à Paris,