Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les grands-oncles en avaient quelque chose ; volumes de sciences à l’état rudimentaire ; romans du temps passé, tout cela avec privilège du roy. Les a étaient encore remplacés par des o.

J’en entendis parler avec tant d’enthousiasme que moi aussi je regrettais les livres effeuillés ou perdus.

Les romans s’étaient usés dans les veillées de l’écrégne où la lectrice mouille son pouce à sa bouche pour retourner les pages, et laisse tomber sur les infortunes des héros une pluie de larmes de ses yeux naïfs.

L’écrégne, dans nos villages, est la maison où, les soirs d’hiver, se réunissent les femmes et les jeunes filles pour filer, tricoter, et surtout pour raconter ou écouter les vieilles histoires du feullot qui danse en robe de flamme dans les prèles (prairies) et les nouvelles histoires de ce qui se passe chez l’un ou chez l’autre.

Ces veillées durent encore ; certaines conteuses charment si bien l’auditoire que la soirée se prolonge jusqu’à minuit.

Alors un peu tremblantes, sous l’impression émotionnante du récit, les unes, autant qu’il est possible, reconduisent les autres.

Les dernières, celles qui demeurent loin, courent pour regagner leur logis pendant qu’elles