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partout le fer, le feu, le pétrole et la dynamite… Au besoin on l’accuserait de manger tout crus les petits enfants…

Voilà la légende.

Combien différente est la réalité :

Ceux qui l’approchent pour la première fois sont tout stupéfaits de se trouver en face d’une femme à l’abord sympathique, à la voix douce, aux yeux pétillants d’intelligence et respirant la bonté. Dès qu’on a causé un quart d’heure avec elle, toutes les préventions s’effacent, tous les partis pris disparaissent : on se trouve subjugué, charmé, fasciné, conquis.

On peut repousser ses idées, blâmer ses actes ; on ne saurait s’empêcher de l’aimer et de respecter, même dans leurs écarts, les convictions ardentes et sincères qui l’animent.

Cette violente anarchiste est une séductrice. Les directeurs et les employés des nombreuses prisons traversées par elle sont tous devenus ses amis, les religieuses elles-mêmes de Saint-Lazare vivaient avec cette athée, avec cette farouche révolutionnaire, en parfaite intelligence.

C’est qu’il y a, en effet, chez elle — que Mlle  Louise Michel me pardonne ! — quelque chose de la sœur de charité. Elle est l’abnégation et le dévouement incarnés. Sans s’en douter, sans s’en apercevoir, elle joue autour d’elle le rôle d’une providence. Oublieuse de ses propres besoins et de ses propres