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Nous voilà bien loin de M. Moricet, et j’ai quelque peine à revenir à ces détails. Faut-il parler de ces miettes distribuées à des enfants ? Ce n’est pas ce pain-là qu’il nous fallait, c’était le pain du travail qu’on demandait. Comment voulez-vous que des hommes raisonnables s’amusent à prendre quelques pains ? Que des gamins aient été recueillir des miettes, je le veux bien, mais il m’est pénible de discuter des choses aussi peu sérieuses. J’aime mieux revenir à de grandes idées. Que la jeunesse travaille au lieu d’aller au café, et elle apprendra à lutter pour améliorer le sort des misérables, pour préparer l’avenir.

On ne connaît de patrie que pour en faire un foyer de guerre ; on ne connaît de frontières que pour en faire l’objet de tripotages. La patrie, la famille, nous les concevons plus larges, plus étendues. Voilà nos crimes.

Nous sommes à une époque d’anxiété, tout le monde cherche sa route, nous dirons quand même : Advienne que pourra ! Que la liberté se fasse ! Que l’égalité se fasse, et nous serons heureux !


L’audience est levée à cinq heures, et la suite des débats est renvoyée à demain.


Audience du 23 juin.


La parole est donnée à Me Pierre, défenseur de Pouget, puis à Pouget lui-même. Me Pierre défend ensuite Moreau, qui avait été arrêté pendant le procès.

Me Laguerre prend la parole le dernier en faveur des trois prévenus restés libres.

Après quelques mots de réplique de M. l’avocat général, M. le président demande aux accusés s’ils ont quelque chose à ajouter pour leur défense. Louise Michel, seule, prend la parole en ces termes :

Je ne veux dire qu’un mot : ce procès est un procès politique ; c’est un procès politique que vous allez avoir à juger. Quant à moi, on me donne le rôle de première accusée. Je l’accepte. Oui, je suis la seule ; j’ai fanatisé tous mes amis ; mais, alors, frappez-moi seule ! Il y a longtemps que j’ai fait le sacrifice de ma personne et que le niveau a passé sur ce qui peut m’être agréable ou désagréable. Je ne vois plus que la Révolution ! C’est elle que je servirai toujours ; c’est elle que