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D. Il résulte de ce fait que la manifestation était préparée. Qui avait préparé ce drapeau ? — R. Personne, et ce serait quelqu’un que je ne désignerai pas cette personne, ainsi que vous pensez bien.

D. N’avez-vous pas quitté l’esplanade avec l’intention de faire une manifestation ? — R. Je me suis mise simplement à la tête d’un groupe.

D. Pouget et Mareuil n’en étaient-ils pas ? — R. Oui ils se sont entêtés à me protéger.

D. Quel était votre but en parcourant Paris, avec un drapeau noir ? Croyez-vous que vous procureriez ainsi du pain aux ouvriers ? — R. Non, mais je voulais faire voir qu’ils en manquaient et qu’ils avaient faim. C’est le drapeau des grèves, le drapeau des famines que je tenais.


M. le président ordonne à l’huissier de prendre sur la table des pièces à conviction un drapeau noir que Louise Michel reconnaît pour être celui qu’elle portait le 9 mars.


D. Vous êtes arrivée au boulevard Saint-Germain. Pourquoi vous êtes-vous arrêtée devant la boulangerie du sieur Bouché ? — R. J’ai constamment marché. Les gamins m’ont dit qu’on leur donnait du pain, je ne me suis pas occupée de ces détails.

D. Vous prétendez qu’on donnait volontairement du pain. — R. Oui, monsieur, les gamins nous ont dit qu’on leur donnait du pain et des sous. J’en ai même été très humiliée.

D. Et les hommes armés de gourdins, est-ce qu’on leur donnait volontairement du pain ? — R. Nous n’avions pas avec nous de personnes armées de gourdins, ils ne sont pas au banc des accusés, ceux-là !

D. Vous ne pouvez pas contester le fait : le témoin Bouché vous a vue arriver à la tête d’une bande, et quinze ou vingt individus s’en sont détachés pour piller la boutique, en criant : « Du pain, du travail, ou du plomb. » — R. Ils n’étaient pas des nôtres. C’est la mise en scène de la police, cela.

D. Vous avez dit dans un interrogatoire que vous ne regardiez pas comme un délit de prendre du pain. — R. Oui, mais jamais je n’en ai pris, jamais je n’en prendrai quand même je mourrais de faim.

D. Quand vous avez été arrêtée, place Maubert, avez-vous dit à l’officier de police : « Ne me faites pas de mal, nous ne