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n’était plus à la maison et à leur adoucir la tristesse de la mort qui frappait largement autour d’eux.

Je suis ce qu’on appelle bâtarde ; mais ceux qui m’ont fait le mauvais présent de la vie étaient libres, ils s’aimaient et aucun des misérables contes faits sur ma naissance n’est vrai et ne peut atteindre ma mère. Jamais je n’ai vu de femme plus honnête.

Jamais je n’ai vu plus de réserve et de délicatesse ; jamais plus grand courage ; car elle ne se plaignait jamais et pourtant sa vie fut une vie de douleur.

Deux jours avant sa mort, elle me dit : « J’ai été bien malheureuse de ne plus te voir et de tant coûter aux amis. » C’est la seule fois qu’elle m’a parlé d’un accent aussi triste, sa voix qui n’était plus qu’un souffle avait retrouvé un gémissement.

Nos amis ont reconnu souvent combien ma mère était spirituelle et causait bien, dans sa simplicité. Moi seule, je sais combien elle était bonne, malgré la peine qu’elle se donnait pour le cacher ; elle aimait souvent à paraître brusque et en riait comme un enfant.

Des ennemis anonymes m’avaient menacée, pour troubler ses derniers instants, de faire pas-