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Dans la dernière lettre qu’elle ait dictée pour moi, ma mère me disait le 27 novembre 1884 :


Ma chère fille,

Ne te tourmente pas, je ne vais pas plus mal ; ce qui me fait de la peine est que tu t’inquiètes toujours.

Je t’envoie des soies, fais tes tapisseries ; tu feras de ma part les vues de la mer dont je t’ai parlé.

Ta dernière tapisserie n’est pas aussi bien que les autres, je vois que tu t’attristes et tu as tort.

Ne fais pas de tricots pour moi, j’en ai assez ; il ne me faut plus rien ; on dépense déjà trop pour moi.

Surtout ne te tourmente pas ; je t’embrasse de tout cœur.


La pauvre femme mentait en disant qu’elle n’allait pas plus mal, elle était déjà au lit et ne se releva plus.

Quant aux tapisseries dont elle me parle, les vues de la mer ne sont pas encore faites ; la dernière — « qui n’était pas si bien que les autres », c’est que je la sentais mourir — représentait le grand chêne frappé au cœur, où attendait la cognée restée dans la blessure d’où coulait la sève, triste souvenir que n’en gardera que mieux celui pour qui elle fut faite, un Talleyrand-Périgord, qui tôt ou tard suivra le chemin pris par Kropotkine et les autres fils de féodaux qui se sentent dans les veines du sang de braves,