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sommet des monuments funèbres. Le spectacle est saisissant de grandeur et de majesté.
LES DISCOURS

Après un moment d’attente plein de silence et de recueillement, notre collaborateur, Ernest Roche, prend le premier la parole.

Voici le résumé de son discours, fréquemment interrompu par les approbations de la foule :

« Qui sommes-nous, ici, autour de ce cercueil d’une femme simple et bonne, qui ne songea jamais à la célébrité ?

« Pourquoi, en cette circonstance, cette confusion des nuances républicaines et socialistes les plus diverses ?

« Quel sentiment nous anime tous ? quelle attraction nous amène ? quelle communion des cœurs nous donne à chacun devant cette morte le même respect et la même indignation ?

« Laissez-moi vous le dire.

« Il est un drapeau sacré entre tous, celui que les peuples n’arborent qu’à certaines époques solennelles, drapeau qui électrise plus que les étoffes éclatantes : c’est le drapeau de nos martyrs, de nos héros.

« Le cadavre de Lucrèce renversa les Tarquins et fonda la République romaine ; les cadavres des hommes obscurs, foudroyés le 23 février par les soldats de Louis-Philippe, provoquèrent l’écroulement de son trône ; le cadavre de Victor Noir causa l’ébranlement de l’Empire et précipita sa chute.

« Le cadavre de la pauvre mère de Louise Michel est notre trait d’union, car il fait naître en la conscience de chacun de nous le même sentiment d’horreur pour les criminels qui l’ont assassinée.

« Ah ! ne vous retranchez pas derrière l’âge de votre victime, Basiles ! Ce ne peut être un argument pour atténuer l’odieux de votre forfait.

« Certes, ce n’est pas elle, nous le savons bien, que vous préméditiez d’attendre. Pas plus que l’Empire n’avait de haine particulière contre Victor Noir. Que nous importe que votre férocité fauche dans nos rangs un modeste, un inconnu ou un illustre ? Ce martyre dont vous le couronnez suffit à notre colère, comme il suffit à son illustration.

« Pauvres femmes ! Ceux qui les ont connues savent com-