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La pauvre femme, à cette seule pensée, tremble de tous ses membres. L’un de ces hommes laissa échapper un sourire. Une idée diabolique venait de surgir dans son esprit.

— Puisque vous ne voulez pas nous dire où est votre fils, eh bien, nous allons emmener votre fille.

Un cri de désespoir et d’angoisse s’échappe de la poitrine de Mme  Ferré. Ses prières, ses larmes sont impuissantes, on se met en devoir de faire lever et habiller la malade au risque de la tuer.

— Courage, mère, dit Mlle  Ferré ; ne t’afflige pas je serai forte ; ce ne sera rien. Il faudra bien qu’on me relâche.

On va l’emmener.

Placée dans cette épouvantable alternative, ou d’envoyer son fils à la mort ou de tuer sa fille en la laissant emmener, affolée de douleur, en dépit des signes suppliants que lui adresse l’héroïque Marie, la malheureuse mère perd la tête, hésite !…

— Tais-toi, mère ! tais-toi ! murmura la malade.

On l’emmène…

Mais c’en était trop pour le pauvre cerveau maternel.

Mme  Ferré s’affaisse sur elle-même ; une fièvre chaude se déclare, sa raison s’obscurcit ; des phrases incohérentes s’échappent de sa bouche. Les bourreaux prêtent l’oreille et guettent la moindre parole pouvant servir d’indice.

Dans son délire, la malheureuse mère laisse échapper à plusieurs reprises, ces mots : Rue Saint-Sauveur.

Hélas ! il n’en fallait pas davantage. Tandis que deux de ces hommes gardent à vue la maison Ferré, les autres courent en hâte achever leur œuvre. La rue Saint-Sauveur est cernée, fouillée. Théophile Ferré est arrêté… Quelques mois plus tard, il est fusillé.

Huit jours après l’horrible scène de la rue Fazilleau,