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les cochons chez eux, et quelquefois, par leur chute dans le trou à l’eau du potager où, la graisse les soutenant, ils faisaient des « oufs », désespérés jusqu’à ce qu’on les retirât. Ce n’était pas toujours facile. Des hommes avec des cordes s’en chargeaient en criant après nous. Je passais particulièrement pour jouer comme un cheval échappé : — c’était peut-être vrai.

Il faut me laisser écrire les choses comme elles me viennent !

On dirait des tableaux passant à perte de vue et s’en allant sans fin dans l’ombre, — je ne sais où.

Vous avez vu, dans Macbeth, sortir de l’inconnu et y rentrer ainsi les fils de Banquo.

Je vois ceux qui ont disparus d’hier ou de longtemps, tels qu’ils étaient, avec tout ce qui les entourait dans leur vie, et la blessure de l’absence saigne comme aux premiers jours.

Je n’ai pas le mal du pays, mais j’ai le mal des morts.

Plus j’avance dans ce récit, plus nombreuses se pressent autour de moi les images de ceux que je ne reverrai jamais, et la dernière, ma mère, il y a des instants où je me refuse à le croire, il me semble que je vais m’éveiller d’un horrible cauchemar et la revoir.