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regarde de tous mes yeux et de tout mon cœur.

La mer, pareille à une nuit, élève jusqu’aux rochers où je suis, d’énormes grises d’écume toute blanche ; il y a dans les flots comme une poitrine qui râle.

En rentrant dans ma case je change de vêtements, les miens étant lourds comme du plomb, étant imbibés d’eau.

Voilà des visites, ce sont tous les jeunes gens mes élèves ; ils ont eu peur qu’il ne nous arrive quelque chose et les voilà.

— Nous avons manqué, disent-ils, être renversés par le vent.

— J’en sais quelque chose.

Ah ! si pour le radeau j’avais pensé plutôt à ces jeunes gens-là ; si le titre de capitaine au long cours ne m’avait pas éblouie ! comme s’il y avait à diriger quelque chose par le cyclone ! Il n’y a qu’à s’y livrer !

Ce sont ceux-là qui auraient bien trouvé ce qu’il fallait et nous aurions tenté le sort.

Maintenant il n’est plus temps ; bah ! qu’est-ce que cela fait ! Ce qu’on voit ici a son utilité et sa beauté et, égoïste que je suis, je me mets à regarder, regarder tant que j’ai des yeux, cette nuit où tout s’écroule, gémit, hurle et qu’à travers les torrents de la pluie comme à travers un