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Combien je lisais à cette époque, avec Nanette et Joséphine, deux jeunes femmes de remarquable intelligence, qui n’étaient jamais sorties du canton !

Nous parlions de tout ; nous emportions, pour les lire, assises dans la grande herbe, les Magasins pittoresques, les Musées des familles, Hugo, Lamartine, le vieux Corneille, etc. Je ne sais si Nanette et Joséphine ne m’aimaient pas mieux que leurs enfants. Je les aimais beaucoup aussi.

J’avais peut-être six ou sept ans, quand le livre de Lamennais, les Paroles d’un croyant, fut détrempé de nos larmes.

À dater de ce jour, j’appartins à la foule ; à dater de ce jour, je montai d’étape en étape à travers toutes les transformations de la pensée, depuis Lamennais jusqu’à l’anarchie. Est-ce la fin ? Non, sans doute ! N’y a-t-il pas après et toujours l’accroissement immense de tous les progrès dans la lumière et la liberté ; le développement de sens nouveaux, dont nous avons à peine les rudiments, et toutes ces choses que notre esprit borné ne peut même entrevoir.

Des vieux parents, des amis vieux et jeunes, de ma mère, il ne reste pas plus aujourd’hui que des songes de mon enfance.