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vent les déportés, c’est-à-dire les vexations, abus d’autorité, dont MM. Ribourt, Aleyron et consorts se sont rendus coupables.

Vous savez que, sous l’amiral Ribourt, le secret des lettres fut violé comme si les quelques hommes qui ont survécu à l’hécatombe de 1871 fissent peur aux assassins à travers l’océan.

Vous savez que, sous le colonel Aleyron, le héros de la caserne Lobau, un gardien tira sur un déporté chez lui ; ce déporté avait, sans le savoir, enfreint les limites pour aller chercher du bois ; quelque temps auparavant, un autre gardien avait tiré sur le chien du déporté Croiset, placé entre les jambes de son maître. Visait-on l’homme ou le chien ?

Que de choses depuis ! Il me semble, que j’en vais beaucoup oublier, tant il y en a… mais on se retrouvera.

Vous avez su déjà qu’on privait de pain ceux qui, se conformant tout simplement à la loi de la déportation, se présentent aux appels sans se ranger militairement sur deux lignes ; la protestation à ce sujet fut énergique, calme, montrant que, malgré les divisions introduites parmi nous, par des gens complètement étrangers à la cause et qu’on a jetés à dessein parmi nous, les déportés n’ont point oublié la solidarité.

On a, depuis, privé de vivres, à l’exception du pain, du sel et des légumes secs, quarante-cinq déportés comme s’étant montrés hostiles à un travail qui n’existe que dans l’imagination du gouvernement.

Quatre femmes en ont été également privées comme laissant à désirer sous le rapport de la conduite et de la moralité, ce qui est faux. Le déporté Langlois, mari d’une de ces dames, ayant répondu énergiquement, puisque sa femme ne lui avait donné aucun sujet de mécontentement, a été condamné à dix-huit mois de prison et 3,000 francs d’amende.