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La ville de Numbo se bâtissait, peu à peu, chaque nouvel arrivant ajoutant aux autres sa case de terre couverte de l’herbe des brousses. Numbo, dans la vallée, avait la forme d’un C, dont la pointe est était la prison, la poste, la cantine ; la pointe ouest, une forêt sur les mamelons, couverts de plantes marines ; au milieu et tout le long des baies, de l’est à l’ouest, c’étaient des cases. Celle de Bauër formait un pavillon fort joli de loin ; il y avait devant une corbeille avec des euphorbes qu’on cultivait quelquefois.

Au-dessus, c’était le Théâtre, un véritable théâtre qui avait ses directeurs, ses acteurs, ses machinistes ses décors, son comité de direction.

Ce théâtre était un chef-d’œuvre, dans les conditions où on se trouvait. On y jouait tout, drames, vaudevilles, opérettes. On y chanta un opéra par fragments, Robert le Diable ; on ne l’avait pas complet.

Il faut avouer que les jeunes premières avaient de grosses voix, les mains dans la poche de leurs jupes comme si elles y cherchaient un cigare et que même ma robe du conseil de guerre, qui était fort longue, laissait leurs pieds à découvert jusqu’à la cheville, car c’étaient de grands jeunes gens.

Ils finirent par allonger leurs jupes et, à la fin,