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différence n’est pas si grande qu’on croit, le même coup de vent de la science véritable passera sur tout cela.

Dans les premiers temps où nous habitions la presqu’île, peu de navires encore avaient transporté des condamnés de la Commune. Il y en arriva jusqu’à la fin.

Les dernières condamnations ne furent pas bien éloignées de l’amnistie à laquelle le peuple contraignit le gouvernement.

Depuis notre arrivée, chaque courrier apportait à ceux qui avaient le mal du pays des illusions qui les berçaient pour le cimetière ; beaucoup auraient triomphé de leur désir ardent du retour si, aux lueurs de cet espoir prématuré, n’eût succédé la désillusion.

On avait beau leur dire qu’une déportation dure d’ordinaire une dizaine d’années ; que trop de notre sang avait coulé pour qu’on nous fît revenir ; ils préféraient à la voix de la raison les paroles mensongères qui les tuaient.

Souvent, en blouse de toile blanche, on s’en allait par les chemins de la montagne, la fleur du cotonnier sauvage à la boutonnière, car les pères de famille, ceux qui avaient de petits enfants, partaient les premiers pour la délivrance de la mort.