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restent dans la plume. On est toujours loin, bien loin de la ligne qu’on trace.

Des vers, encore, peindront mieux que tout notre voyage, (mon premier voyage). Il faut convenir que, quand l’État se mêle d’en faire les frais, il n’y regarde pas ! Un voyage de long cours sur un vaisseau de guerre, je n’aurais jamais osé rêver pareille aubaine.

Il est vrai que cela nous coûtait cher : les nôtres, par milliers, tombés dans l’hécatombe, et nos mères qui ne croyaient plus nous revoir.


DANS LES MERS POLAIRES
À bord de la Virginie.

La neige tombe, le flot roule,
L’air est glacé, le ciel est noir ;
Le vaisseau craque sous la houle
Et le matin se mêle au soir.

Formant une ronde pesante,
Les marins dansent en chantant ;
Comme un orgue à la voix tonnante,
Dans les voiles souffle le vent.

De peur que le froid ne les gagne,
Ils disent au pôle glacé
Un air des landes de Bretagne,
Un vieux bardit du temps passé.