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Oh ! combien tout enfant j’ai vu de blanches voiles
S’en aller sur les flots dans mes rêves le soir.
J’en voyais un toujours, qui seul sous les étoiles
Semblait un grand oiseau blanc à l’horizon noir.
Comme je la peignais avec sa vive allure
Et la fière forêt de sa haute mature,
Mon grand-père me dit : Noue ferons ton bateau
Avec du cœur de chêne et ce sera très beau.
Car c’est une frégate ........


Mais nous ne la fîmes pas avec du cœur de chêne, la frégate du rêve, pour la mettre à flots sur la pierre ronde, près des rosiers rouges, les abeilles volant sur ses mâts. Nous ne la fîmes jamais ! et c’est sur les grands flots, après la défaite, que j’ai reconnu la Virginie.

Explique qui voudra ce songe de mon enfance. Moi, quand je revis dans la réalité le navire du rêve, j’avais vu trop de choses pour en être émue !

J’ai parlé au commencement de certaines circonstances qui font songer à Edgar Poe, à Baudelaire, aux conteurs de choses étranges ; j’en dirai peu ; peut-être même l’histoire de la Virginie, voguant à pleines voiles telle que je la voyais en rêve, sera la seule page de ce genre.

Je dis peut-être, car souvent on s’emballe en écrivant et on va, on va, dans les souvenirs… sans penser seulement qu’on écrit. C’est dans ces occasions-là surtout que les fins de phrases