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de bataille, pour tous les bons plaisirs opportuns ; la mort par la faim des vieux ouvriers, comme celle des vieux chevaux de Montfaucon.

Ah ! il n’y a pas de question sociale !

Mais elle se résumerait en un seul acte de volonté de ce peuple qu’on enchaîne en lui faisant croire qu’il est libre !

Acte purement passif et qui n’aurait pas de répression, car on peut fusiller une armée, égorger une ville, mais on n’ose pas s’attaquer à une nation entière.

Si tout un peuple héroïque fermait de sa pleine autorité les registres de la police des mœurs, qui fait que certaines jeunes filles se tuent, et elles ont raison, plutôt que d’y être inscrites… ;

Si tout un peuple refusait ses fils pour des entreprises hasardeuses aboutissant à de futurs Sedans ;

Si cette grève de conscrits imposait silence aux potentats qui prétendent engraisser de sang le sol fertile pour eux seuls, et forçait les rois ou dictateurs à prendre l’aigle de Boulogne, ou l’armée de Membrin, ou le sabre de Marlborough, et à s’en aller eux-mêmes en guerre, les questions dont ils espèrent bénéficier pour se maintenir seraient bientôt tranchées, car ils se garderaient de quitter le repos et l’engraissement opportuns !…

Eh bien, oui ! maintenant que le vent est à la guerre, dût-on, au nom de la nouvelle loi sur la liberté de la presse, venir m’arrêter au chevet de ma mère malade, je jetterai, moi qui ai vu la guerre de Prusse avec des généraux vendus et des bataillons généreux dont on neutralisait l’élan par des marches forcées, etc., ce cri qui s’échappe de ma conscience :

GRÈVE DES CONSCRITS
Louise Michel.