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soit dans la rue sous la pluie et la honte pour sauvegarder la fille du riche, s’il leur plaît de conduire par troupeaux les hommes à l’abattoir et les femmes au lupanar ; nous, qui ne voulons plus de ventes et d’achats de chair humaine, ni pour la gueule des canons ni pour les appétits des parasites, nous disons bien haut : ― Plus de questions personnelles, ni même de questions de sexe ! plus d’égoïsme, plus de crainte ! en avant les braves ! et que sachant où nous allons, les autres nous laissent.
Louise Michel.


Voici encore un fragment de la série de mes articles sur les grèves.


LA GRÈVE DES CONSCRITS

Ah ! il n’y a pas de question sociale !

C’est pour cela que les petits enfants naissent dans le lit même où meurent leur père, et que l’Assistance publique envoie pour cette horrible misère un franc par personne.

C’est pour cela que l’affichage d’un discours coûte trente-quatre mille francs au peuple.

Car c’est le peuple qui paye, toujours le peuple.

Mais il doit être content, car on lui dit qu’il est « souverain », mot opportun pour cacher l’autre mot du lendemain, non moins opportun : la vile multitude

Car la loi des majorités s’applique d’une manière affirmative quand il s’agit pour le troupeau humain de nommer Badinguet III ou Opportun Ier, et d’une manière négative quand il s’agit du droit que pourrait bien prendre la multitude « souveraine » pour résoudre la question sociale autrement que par la vente des filles du populo pour le lupanar ; l’égorgement de ses fils sur les champs