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Nous marchions entre des cavaliers, il était nuit.

Rien de plus horriblement beau que le site où on nous fit descendre dans des ravins, près du château de la Muette.

L’obscurité, à peine éclairée de par les rayons de lune, changeait les ravins en murs, ou leur donnait l’apparence de haies.

L’ombre des cavaliers faisait, de chaque côté de notre longue file, une frange noire, faisant paraître plus blancs les chemins ; le ciel, lourd de la grande pluie du lendemain, semblait descendre sur nous. Tout prenait, en s’estompant, des formes de rêve, — à part les cavaliers qui tenaient la tête et les premiers groupes de prisonniers.

Un large rayon, filtrant du dessous entre les pieds des chevaux, les mettait en lumière ; des lambeaux rouges avaient l’air de saigner sur nous et sur les uniformes.

Le reste de la file s’étendait en longue traînée d’encre, finissant au fond de la nuit.

On disait qu’on allait nous fusiller là. Je ne sais pourquoi, on nous fit remonter : je regardais le tableau, ne pensant plus où nous étions.

C’était à la même date fixée avec Dombrowski