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loppées d’ombre, sur moi. Avec leurs yeux verts de filles des flots, elles regardent sous l’eau des mers ; avec leur taille haute et maigre de sorcières, elles courent les makis ou les landes.

Cette légende lointaine va de la Corse aux gorges sauvages, à la Bretagne, aux menhirs hantés des poulpiquets ; du gouffre rouge de Flogof, où le norroi souffle en foudre, au lac sombre de Créno.

Que de choses autour d’un misérable être pour lui élargir l’horizon, pour le faire sentir et voir afin qu’il souffre davantage, afin qu’il comprenne mieux le désert de la vie où tout est tombé autour de lui !

Mais, sans cela, pourrait-il être utile ? Non, peut-être.

Lors même qu’il n’y aurait pas eu un peu d’atavisme dans mes penchants, on devient poète dans nos solitudes, qu’on aligne ou non des vers.

Les vents y soufflent une poésie plus sauvage que celle du nord, plus douce que celle des trouvères, suivant la grande neige d’hiver, ou les brises printanières qui agitent dans les haies de nos chemins creux tant d’aubépines et de roses.

Nanette et Joséphine, ces deux filles des champs, n’étaient-elles pas poètes ?