Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comptait plus l’âge, et qui entrait de plain-pied dans les salles pour prendre du pain ou du sucre dans les mains qui lui plaisaient, et montrer aux gens qui ne lui convenaient pas ses grandes dents jaunes, comme si elle leur eût ri au nez.

La vieille Biche avait une habitude assez drôle : si je tenais un bouquet, elle se l’offrait, et me passait sa langue sur le visage.

Et les vaches ? la grande Blanche Bioné, les deux jeunes Bella et Néra, avec qui j’allais causer dans l’étable, et qui me répondaient à leur manière en me regardant de leurs yeux rêveurs.

Toutes ces bêtes vivaient en bonne intelligence ; les chats couchés en rond suivaient négligemment du regard les oiseaux, les perdrix, les cailles trottinant à terre.

Derrière la tapisserie verte, toute trouée, qui couvrait les murs, circulaient des souris, avec de petits cris, rapides mais non effrayés ; jamais je ne vis un chat se déranger pour les troubler dans leurs pérégrinations.

Du reste les souris se conduisaient parfaitement, ne rongeant jamais les cahiers ni les livres, n’ayant jamais mis la dent aux violons, guitares, violoncelles qui traînaient partout.

Quelle paix dans cette demeure et dans ma vie à cette époque !