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cussion que j’avais avec un camarade faillit prendre les proportions d’un événement. Nous causions de la révolte canaque, question brûlante à la presqu’île Ducos, et nous parlions si fort, et nous déployions de tels volumes de voix, qu’un surveillant accourut du poste, croyant à une émeute, à une révolte. Il se retira tout interloqué et tout honteux, constatant que nous n’étions que deux !

Après cinq ans de séjour à la presqu’île, je pus aller comme institutrice à Nouméa, où il m’était plus facile d’étudier le pays, où je pouvais voir des Canaques des diverses tribus ; j’en avais à mes cours du dimanche, toute une ruche chez moi.

Peu après mon départ de la presqu’île, quelques-uns de mes amis de l’île Nou y arrivèrent. Ce fut une grande joie pour la déportation. Nous les aimions mieux que tous les autres parce qu’ils souffraient davantage ; cela les maintenait aussi fiers qu’aux jours de Mai.

Là-bas, au bord de la mer, assis sur les rochers, les événements nous revenaient montant comme les flots.

Les jours tombaient sur les jours dans le silence, et tout le passé, pareil à la neige grise des sauterelles, tourbillonnait autour de nous.