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voir pour nièce. Après mon départ, seulement, on le mit en liberté ; mes deux cousins furent également emprisonnés.

Nous n’apportons guère de bonheur à nos familles et pourtant nous les aimons d’autant plus qu’elles souffrent davantage ; nous sommes d’autant plus heureux des rares instants passés au foyer que nous savons combien ces instants-là seront fugitifs, et regrettés des nôtres.

Je revois Auberive avec les étroites allées blanches serpentant sous les sapins ; les grands dortoirs où, comme autrefois à Vroncourt, le vent souffle en tempête et les files silencieuses de prisonnières, sous la coiffe blanche, pareille à celle des paysannes, le fichu plissé sur le cou avec une épingle.

Quelques-unes des nôtres avaient été condamnées aux travaux forcés, pour varier ; l’une, Chiffon, en mettant son numéro sur son bras, cria : Vive la Commune ! De celles qui furent reconnues trop faibles pour le départ, plusieurs sont mortes : Poirier si courageuse pendant le siège et la Commune ; Marie Boire et bien d’autres que nous n’avons pas trouvées au retour.

Une mourut en Calédonie, Mme Louis, déjà vieille, appelant à son heure dernière ses enfants qu’elle ne devait jamais revoir.