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demain de mon arrivée, on me dit que ce serait pour le soir, puis pour le lendemain encore, et je ne sais pourquoi on ne le fit pas, car j’étais insolente comme on l’est dans la défaite avec des vainqueurs féroces.

On nous envoya une trentaine de femmes aux Chantiers de Versailles.

Là, tout autour d’une grande pièce carrée, au premier étage, nous étions de jour assises par terre, la nuit allongées comme on pouvait.

Au bout d’une quinzaine de jours on donna une botte de paille pour deux.

Au-dessus, par un trou, on montait à la salle des interrogatoires, un autre trou conduisait au rez-de-chaussée où étaient les enfants prisonniers ; deux lampes éclairaient la nuit cette Morgue que complétaient les haillons suspendus par des ficelles au-dessus des corps.

Pendant longtemps il me fut défendu de voir ma mère qui venait souvent de Montmartre sans pouvoir me parler.

Un jour qu’on l’avait repoussée, tandis que la pauvre femme m’avait tendu une bouteille de café, je jetai cette bouteille à la tête du gendarme qui l’avait repoussée.

Aux reproches d’un officier, je lui dis que mon seul regret était que je m’étais adressée à un