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nous étions heureuses, cela ne pouvait durer. J’avais fini cependant par m’étourdir là-dessus.

Assez tard, je reconduisis nos amies jusqu’aux omnibus de la rue Marcadet.

La nuit était noire et triste, et dans cette ombre un chien hurlait ; en revenant il se mit à me suivre.

Le hasard qui mettait cette bête sinistre sur mon chemin était d’accord avec la vérité.

Mme Vollier, à qui je me gardai bien de laisser voir mon impression de tristesse, était gaie encore, ce n’était pas pour longtemps. Elle eut la nuit sa seconde attaque d’apoplexie.

C’est son portrait qui était près de mon lit, en face d’un bouquet d’œillets rouges. — Ses fils me laissèrent, comme à une sœur, ma part de souvenirs.

Après la mort de Mme Vollier, une grande tristesse m’envahit ; mais on n’avait pas le temps de s’écouter souffrir : l’Empire à mesure qu’il approchait de sa fin devenait plus menaçant et nous plus déterminés.

La première institutrice qui s’était établie à Montmartre, Mlle  Caroline L’Homme, et qui avait, disait-elle, appris à lire à tout le quartier (elle avait raison), devenue infirme et vieille, avait encore quelques élèves ; un jour elle me les