Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.

au tronc cette large entaille où le fer de la cognée était humide de sève.

C’était bien le chêne haut touffu, le chêne des légendes qui passait au fond de ma pensée.

Sous son ombre l’herbe haute et touffue, pleine de marguerites blanches et de boutons d’or, le bois, tout était là.

Ainsi reviennent, comme des feuilles mortes poussées par le vent, les impressions d’autrefois tout-à-coup ravivées.

J’ai, depuis mon retour de Calédonie, revu dans bien des circonstances le dernier épisode de la vie de Passedouet, mort là-bas un peu avant le retour.

Passedouet, depuis longtemps malade, avait perdu la mémoire ; il semblait, malgré tous les soins de sa femme, arrivé à ses derniers instants et ne quittait plus son lit.

Quel ne fut pas mon étonnement en rencontrant, à la baie de l’Ouest, Passedouet, que j’avais vu la veille dans cet état !

Ses idées s’étaient éclaircies ; il vint se reposer au baraquement des femmes sous la forêt, causant presque comme autrefois, mais pâle et tremblant sur ses jambes.

N’osant lui demander par quel hasard il avait entrepris seul ce voyage, et me doutant de l’in-