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geant leur popinée, leur nemo, comme on charge un mulet ; ils passaient fiers, ne portant que la sagaie du guerrier, partout où ils pouvaient rencontrer quelqu’un. Mais si le sentier se faisait désert ; si les gorges de montagnes se resserraient, alors le tayo ému de pitié déchargeait du filet de pêche, de la keulé ou d’un des pikininos, la popinée qui suait sang et eau.

Soulagée elle respire, n’ayant plus qu’un petit, suspendu à son dos, et un ou deux autres (non pas attachés à ses jupes, elle n’en a pas) le petit bras passé en jarretière au genou maternel et trottinant, trottant même avec des petites pattes agiles de perdreau.

Si une ombre paraît à l’horizon — ne serait-ce que celle d’un bœuf ou d’un cheval des pudoks, — vite les pierres de fronde, la keulé, le pikininé retournent sur le dos de la nemo, et le tayo fait semblant de consolider la charge.

Mi chère ! si on l’avait vu ? pas lélé un guerrier qui compte les nemos pour quelque chose ! Elles ne voudraient plus ne rien être !

Est-ce que ce n’est pas la même chose partout ? Est-ce que la vanité bête de la force ne pose pas au nombre des arguments, à l’infériorité des femmes, que la maternité ou d’autres circonstances les gêneraient pour combattre ?