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— Le plus malheureux c’est qu’il y a des choses bien.

— S’il n’y avait rien je ne serais pas assez bête pour m’en occuper.

— Mais vous savez bien que pour se livrer à ces choses-là il faut être riche ou connu.

— Aussi je ne m’y livre pas, je reste dans l’instruction, et la preuve, c’est que je laisserai telle qu’elle est cette chose qu’on ne peut exécuter sur un théâtre ; c’est bien un rêve, qu’il soit des sabbats ou de la vie ; ainsi je jette et j’ai jeté d’autres rêves.

Elle me prit la main, la sienne était toute froide.

— Et votre cœur, où le jetterez-vous ?

— À la Révolution !

Elle s’assit au piano et, ses mains glacées glissant sur les touches froides, elle commença je ne sais quelle invocation au Dieu d’Israël ; on y sentait le désert, le calme de la mort et ce calme allait jusqu’au cœur.

À quelque temps de là, mon fantôme me conduisit un samedi à la synagogue.

L’étrangeté des rites et du rythme, une sorte de Kyrie d’une allure grandiose, tout cela me prit ; elle crut, me voyant des larmes dans les yeux, que j’étais touchée de la grâce de Jéhovah.